Critiquer son employeur est possible, mais dans une certaine limite !

Jurisprudence
Licenciement

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 16 juin 2005 en qualité de directeur de territoire par un Office public d'aménagement et de construction.

Il est licencié pour faute grave par lettre du 13 juillet 2011, son employeur lui reprochant de graves manquements à ses obligations contractuelles, comme en témoigne la lettre de licenciement dont nous vous proposons l’extrait ci-après.

Extrait de l’arrêt :

« Depuis le 1er septembre 2005, vous occupez au sein de (…) les fonctions de directeur de territoire (Territoire d'Arras). Vous êtes classé dans l'emploi de directeur en catégorie 4, niveau 2. En votre qualité de directeur de territoire vous occupez des fonctions importantes, notamment sur le terrain des relations avec tous les interlocuteurs privilégiés de l'OPAC, et notamment les décideurs politiques. En cette qualité, vous êtes membre du Comité de Management Stratégique auquel appartiennent le Directeur Général, les cinq Directeurs de Territoire, le Directeur Général Adjoint, le Secrétaire Général, le Directeur Financier, le Directeur des Ressources Humaines. Il est évident qu'en votre qualité de cadre dirigeant, il ne vous est pas permis de vous ingérer dans le gouvernance de l'OPAC, qui ne relève bien évidemment pas de votre responsabilité. Tout au contraire, il vous appartient de respecter la hiérarchie dont vous dépendez, et de vous soucier de la bonne image de marque de l'OPAC, vis-à-vis de tous, et notamment des hommes politiques qui siègent à son Conseil d'Administration, et de son Président. Or, le Conseil d'Administration devait être renouvelé, comme vous ne l'ignoriez pas, le 10 juin 2011. A cette occasion, le Conseil d'Administration avait à se prononcer sur la réélection éventuelle de son Président, Monsieur Y..., qui exerce, à la satisfaction de tous, cette fonction depuis plus de 17 ans. Or, en prévision, comme à l'occasion de ce Conseil d'Administration du 10 juin 2011, vous avez manifestement outrepassé vos fonctions et commis des fautes graves. Tout d'abord, à plusieurs reprises vous avez annoncé avant le 10 juin que tant le Président, Monsieur Y..., que le signataire de la présente lettre, Directeur Général, ne seraient pas reconduits à la tête de l'Office. Ces propos ont de nouveau été tenus auprès d'un cadre important, notamment le 17 mai 2011. Ils ont également été tenus, notamment lors d'un reps pris en commun avec vos équipes, à qui vous avez annoncé : « Monsieur Y... pourrait très bien sauter ». De tels propos ont également été tenus à d'autres collaborateurs de l'Office. Vous avez affiché, au mépris de la neutralité qui s'imposait à vous, votre soutien à un candidat se présentant contre la Présidence en place. A ce titre, vous avez manifestement manqué à votre devoir de neutralité et de non-ingérence dans la gouvernance de Pas-de-Calais Habitat. En second lieu, et sans doute pour mieux justifier votre position et parvenir à vos fins, vous vous êtes livré à une critique en règle tant du Président en place que du Directeur Général, mettant en cause leurs compétences. Vous avez critiqué la gestion du signataire des présentes, Directeur Général, parlant de « conneries », de « bourdes énormes », « d'image prétendue déplorable », véhiculée par le Directeur Général. (…)

Toutefois, le salarié conteste son licenciement et décide de saisir la juridiction prud'homale. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette de ce fait le pourvoi ; les juges rappelant à cette occasion que le contrat de travail du salarié contenait une clause de de discrétion (dont le salarié n’invoquait pas la nullité dans la présente affaire) imposant au salarié de conserver la discrétion la plus absolue sur l'ensemble des renseignements qu'il pourrait recueillir à l'occasion de ses fonctions de directeur de territoire. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que le contrat de travail comportait une clause, dont la nullité n'était pas invoquée par le salarié, imposant à celui-ci de conserver la discrétion la plus absolue sur l'ensemble des renseignements qu'il pourrait recueillir à l'occasion de ses fonctions de directeur de territoire, la cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait, pendant la période précédant les élections du président du conseil d'administration et devant ses collègues, pris ouvertement position pour le nouveau candidat, critiqué la politique menée par le président en exercice et remis en cause les compétences du directeur général et du directeur général adjoint, a pu retenir, par ces seuls motifs et sans avoir à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, qu'il avait manqué à son obligation contractuelle de discrétion ;

Attendu, ensuite, qu'exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau, mélangé de fait et de droit en sa deuxième branche et inopérant en ses quatrième et cinquième branches, la cour d'appel ne s'étant pas fondée sur un exercice abusif par le salarié de sa liberté d'expression, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Cour de cassation du , pourvoi n°13-26949

Commentaire de LégiSocial

Même si cela par définition d’une relation contractuelle, le salarié lié par un contrat de travail ayant une obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur, il peut arriver que certaines entreprises souhaitent insérer une clause de confidentialité et/ou de discrétion, dont nous vous rappelons quelques notions importantes. 

Principe et objectif

Par cette clause, le salarié est tenu à ne pas divulguer à des tiers (clients, fournisseurs concurrents, etc.) les informations dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

La révélation de ces informations risquant de nuire à la bonne marche de l’entreprise dans laquelle il travaille. 

De la même façon, le salarié s’engage aussi à ne pas divulguer aux autres salariés de l’entreprise les informations auxquelles il peut avoir accès. 

Cette clause n’est totalement licite qu’à partir du moment où elle est en rapport avec l’activité du salarié au sein de la société.

Article L1121-1

Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Violation de la clause

Si le salarié ne respecte pas cette clause, il peut subir des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave ou lourde ainsi que d’éventuelles poursuites pénales.

Ne pas confondre avec la clause de non-concurrence

La clause de confidentialité n’interdit pas à un salarié de travailler pour une entreprise concurrente, à la différence de la clause de non-concurrence.

Cour de cassation du 2/10/2001 n° 99-42942